(Oh non, Audace & Discipline se met à écrire sur des sujets polémiques…)
Vous souvenez-vous de la campagne de pub Gillette aux USA qui a provoqué un tollé tel que la marque a été largement boycottée ensuite ?
On reprochait à ce spot de faire la morale aux hommes, de tous les mettre dans un même panier d’agresseurs. C’était, en toute honnêteté, ma réaction à l’époque. C’était en 2019. Je vous invite à revoir cette pub aujourd’hui :
Il y a trois réactions possibles lorsque vous regardez cette vidéo :
- soit vous êtes offusqué d’être pris pour un violeur potentiel ou un genre de sauvage ;
- soit vous vous sentez woke et vous vous dîtes que Gilette a raison et que les gens sont cons ;
- soit vous comprenez que cette pub a voulu faire passer maladroitement un message beaucoup trop avant-gardiste alors qu’il est question de vendre des rasoirs (conseil au passage, je vous déconseille fortement d’acheter ce genre de rasoirs très chers, les rasoirs jetables sont tout aussi durables et beaucoup moins cher que ceux à tête interchangeable).
Si on se penche un peu sur cette pub et pourquoi elle a autant déplu, on peut nourrir une réflexion. On commence par voir des hommes se regardant dans le miroir, en train de s’interroger. On voit ensuite des scènes de violence entre gamins, de harcèlement scolaire, sexuel, de misogynie, de pères qui laissent leurs mômes se battre. La pub interroge : est-ce que c’est ça d’être un homme ?
Et c’est là qu’une fracture très violente s’opère : ces comportements sont ceux d’abrutis, de gens mal élevés. Des comportements relativement communs certes, mais d’une minorité. Des comportements qui ne définissent pas l’homme d’aujourd’hui ni la masculinité. On préfère penser à des valeurs de courage, d’héroïsme, de tempérance et d’abnégation, quand on pense aux qualités d’un homme. Avec cette pub, on peut se sentir incriminé, accusé, sur la seule base de son sexe.
La pub Gillette laisse entendre qu’avec le fait d’être un homme viennent souvent des comportements négatifs. Levée de bouclier immédiate (et prévisible). La pub montre le comportement « idéalisé » d’un homme : il soutient les femmes, il interpelle un mec qui va emmerder une nana dans la rue, il sépare ses enfants en train de se battre, etc. On est en train de te dire qui tu devrais être et ce que tu devrais faire.
Et donc les gens n’ont pas aimé. Du tout. Néanmoins cette pub met le doigt dans une plaie. Peut-être parce qu’elle est en train de dire aux gens comment se comporter. Mais aussi peut-être parce qu’elle remet en question un sujet tabou :
Qu’est-ce que la masculinité ?
Je me suis longtemps interrogé. La vie m’a privé de figure paternelle, j’ai grandi élevé par ma mère. Est-ce que j’allais grandir avec une mentalité féminine ? Souhaiter changer de sexe ? Avoir des faiblesses et des manques par rapport aux autres garçons ? Être un homme est-il inné ou acquis ? Inconsciemment, je me le demandais dès l’adolescence. Récemment j’ai lu un très bon livre sur le sujet, « The Mask of Masculinity » de Lewis Howes.
Ce livre remet en question les préconçus de la société sur les hommes : un homme est fort et ne doit pas (trop) montrer ses émotions, un homme doit être riche ou du moins être capable de nourrir toute sa famille, un homme doit être athlétique, courageux, ne pas se poser de questions…
Ces préconçus ne sont pas faux ! Ils sont simplement mal interprétés. Un homme sain ne déborde pas d’émotions, car il a appris à être à l’écoute de soi-même, à parler lorsqu’il en a besoin, et a ainsi acquis une stabilité émotionnelle qui lui permet d’être réellement fort. Un homme sain sait s’adapter au monde et en tirer parti pour subvenir à ses besoins – et s’adapter au monde signifie s’adapter au fait qu’au XXIe siècle, les femmes aussi peuvent endosser (et partager !) le rôle de subvenir aux besoins de la famille. Un homme sain sait qu’il doit prendre soin de sa santé (donc de lui-même) et prendre soin des autres.
Le problème, c’est lorsque ces préconçus deviennent un obstacle à l’épanouissement et au développement personnel de l’individu. Lorsque j’ai perdu mon père à l’âge de 8 ans, je me suis juré de me montrer fort. De ne jamais pleurer. Et j’ai tenu parole pendant 15 ans ! Après quoi je me suis écroulé, car pendant 15 ans j’ai laissé la tristesse me dévorer de l’intérieur : rongé par un sentiment constant de solitude, de n’aller nulle part, d’avoir un vide dans mon existence et ma personnalité. L’abcès a fini par percer. J’ai accepté de pleurer, 15 ans après. Et ma vie à changé. Du moment où je me suis autorisé à être triste, à avoir des émotions, paradoxalement j’ai commencé à devenir beaucoup plus fort et plus stable.
C’est depuis ce jour que j’ai été capable de bâtir une relation solide et épanouissante.
C’est depuis ce jour que j’ai commencé, petit à petit, à bâtir ma carrière et à définir mes ambitions.
C’est depuis ce jour que j’ai commencé à tenir mes programmes sportifs et ma diète.
Mieux dans mes baskets, j’ai trouvé la force de surpasser ma timidité. Je mets un point d’honneur à devenir aimable inconditionnellement, avec tout le monde, en toutes circonstances. Il faut être stable émotionnellement pour cela.

C’est l’enseignement qui nous intéresse ici. C’est un blog de développement personnel et non de polémique. Nous vivons une époque où les stéréotypes de genre sont remis en question. Il est donc sain de réévaluer les qualités d’un homme.
Si j’ai été capable de m’empoisonner la vie pendant 15 ans en raison d’une idée préconçue sur la masculinité, il y a sûrement de nombreux autres hommes qui cachent des blessures ouvertes, qui ne demandent qu’à cicatriser.
Une théorie veut que les femmes se remettent mieux des ruptures amoureuses car elles ont appris petites à évacuer les émotions pour tourner la page. Les hommes ne savent pas quoi en faire et vont donc se sentir malheureux beaucoup plus longtemps.
Ma première copine a mis quelques semaines à faire le deuil de notre relation. J’ai mis plusieurs années.
C’est un conseil simple qui peut facilement faire une différence sur votre qualité de vie, que vous soyez un homme ou bien une femme consciente de ce type de problème chez les hommes de son entourage.
- Vous n’avez pas à vous forcer à pleurer mais vous devez vous efforcer de vous écouter, de vous connecter à vos émotions. Vos émotions sont un tableau de bord : elles vous disent synthétiquement ce qui va et ne va pas dans votre vie, perçu de l’intérieur. Sans en devenir esclave, vous devez y prêter attention.
- Un homme intelligent s’adapte. La société n’est pas encore prête à voir un homme pleurer librement. À vous de trouver comment gérer vos émotions tout en gardant cela pour vous et vos proches.
- Mesdames, vous pouvez jouer un rôle important dans l’épanouissement émotionnel de vos proches masculins. Déjà en évitant de renforcer les stéréotypes éculés du style « un homme ravale ses émotions avec fierté parce qu’il est fort« . C’est ce que j’ai voulu faire. Et pendant 15 ans j’ai été incapable d’avoir une relation stable et saine. Ironiquement, on m’a plus facilement attribué des qualités masculines après que j’aie appris à écouter mes émotions.
- Si vous reconnaissez qu’un proche masculin est fortement concerné, n’essayez pas de lui dire que la société ceci, la masculinité cela. Lorsque ce proche est disposé à discuter de ce qui le tracasse, orientez les questions subtilement sur ce qu’il ressent, plutôt que ce qu’il pense. Sans être intrusif, il pourra exprimer de vive voix, donc à lui-même, ce qu’il ressent et dont il n’était pas forcément conscient. Faire dire à quelqu’un que quelque chose le stress (ou lui procure une émotion négative) est déjà libérateur.